Dimanche 26 juin 2022, 8 h 30, devant le château d’If, au large de Marseille. Plus de trois cents nageurs, amateurs et professionnels, s’apprêtent à s’élancer pour 5 kilomètres de course, direction les plages de la Corniche. La météo est bonne, les conditions idéales pour participer au Défi Monte-Cristo, plus grande manifestation européenne de nage en eau libre, qui réunit, sur trois jours, quelque cinq mille compétiteurs venus du monde entier. Sur les traces d’Edmond Dantès – le héros d’Alexandre Dumas – ils s’évaderont de cette illustre prison dans quelques minutes.
L’organisation a apparemment tout prévu pour leur sécurité. Les bénévoles du centre de formation et d’intervention de Carro et leurs embarcations sont présents, comme à chaque édition, pour parer à toute éventualité. Pour la première fois, cette année, la vedette de première classe SNS 152 La Bonne Mère de Marseille est sur la ligne de départ pour donner le coup d’envoi. À son bord, l’équipage du bataillon de marins-pompiers de Marseille, et son patron, le maître Franck, mais aussi quelques bénévoles de la station de la ville, emmenés par leur président, Joseph Manicacci.
La corne de brume de la vedette SNSM retentit : dans un fourmillement indescriptible, les nageurs s’ébrouent en un spectacle d’écumes et de vagues. Ils sont partis pour deux à trois heures de course. C’est sans compter avec un événement qui va marquer toute cette journée. Les 300 premiers mètres sont tout juste parcourus que des cris stridents jaillissent de cette marée humaine. Et il ne faut pas longtemps pour se rendre à l’évidence : les premiers concurrents viennent de traverser un important banc de méduses. Panique en mer ! Des bras commencent à se lever, appelant à l’aide, les cris redoublent d’intensité… Des dizaines de nageurs interrompent leur course.
Les nageurs paniquent, effrayés par cette attaque soudaine de méduses
En se penchant par-dessus bord, les bénévoles de la SNSM s’aperçoivent de l’ampleur du phénomène. Des dizaines de méduses brunes longent la coque de la vedette. Aussitôt, la plupart des petites embarcations se mettent à recueillir les sportifs un par un et les ramènent sur La Bonne Mère de Marseille. Dix, vingt et bientôt plus de cinquante concurrents victimes de piqûres ou de brûlures sont hissés à bord.
Certains paniquent, effrayés par cette douleur soudaine. Les premiers soins sont donnés à bord mais l’urgence est de débarquer tout ce petit monde le plus vite possible sur la plage d’arrivée, où un poste de secours les attend. De mémoire de bénévoles, c’est bien la première fois que la vedette recueille autant de victimes à son bord. Notre « Bonne Mère » a soudain des allures de boat people !
Tandis que les premiers soins sont dispensés, une nouvelle vague de nageurs prend le départ depuis l’île d’If pour une course de 6 kilomètres. Et rebelote ! Les mêmes cris, les mêmes premiers abandons et toujours le même banc de méduses au même endroit. Mise en alerte, la SNS 152 se met une nouvelle fois en mode intervention, recueillant encore une cinquantaine de naufragés. « Avec une telle quantité de méduses et ce nombre de nageurs pris par surprise, nous n’étions pas à l’abri d’une crise de panique », constate Joseph Manicacci.
Les organisateurs de l’événement soulignent toutefois que de nombreux participants ont continué malgré la présence du banc de méduses et qu’une majorité d’entre eux a terminé les deux épreuves. Heureusement, plus de peur que de mal.
Article rédigé par François Jacquel, diffusé dans le magazine Sauvetage n°161 (3ème trimestre 2022)